En avril 2018, Geneviève et son mari ont accueilli Angèle, âgée de 62 ans, pendant 9 jours, avant qu’elle soit hébergée de façon pérenne dans un hôtel du 115. Elle était venue en France pour subir une très lourde opération, inenvisageable dans son pays. Après avoir été hébergée dans sa famille pendant plusieurs mois, la situation des personnes chez qui elle était s’est dégradée, elle a été obligée de partir, et s’est retrouvée à la rue.
Geneviève témoigne des liens qu’elle a gardés avec Angèle, depuis pratiquement 1 an.
» Tout d’abord, je pense que ce qui me correspond le mieux, c’est d’avoir pu créer une relation dans la durée et sans le poids des questions de démarches administratives. Nous avons aussi des éléments qui nous rapprochent : nous sommes du même âge, Angèle chante à la chorale de son église dans son pays, elle est chrétienne, …
Après avoir changé 3 fois d’hôtel, Angèle est maintenant, et pour au moins 6 mois, dans un hôtel social : une chambre seule avec un petit frigidaire et un lavabo, des sanitaires communs, une cuisine pour 7 chambres, du personnel d’accompagnement, un gardien 24h/24. Le sentiment qu’une étape est franchie. Un peu de stabilité. Mais cela a été difficile pour Angèle d’être dans une chambre sans télévision. Nous avons envisagé de lui procurer une radio, mais cela ne l’intéressait pas. Par le bouche à oreille, elle a su trouver une télévision. Maintenant, il manque le décodeur ; elle sait où l’acheter, elle attend d’avoir l’argent pour cela.
Le fait d’être en ville lui donne plus de liberté car elle peut se déplacer à pied : le marché, les associations où elle a ses repères, la bibliothèque. Par exemple, nous nous donnons rendez-vous à la sortie de mon travail et elle emprunte des livres sur ma carte. La crainte de prendre les transports en commun quand elle n’a pas de ticket reste très forte.
Le samedi matin, l’habitude est prise de l’emmener faire les courses avec moi; elle achète ce qu’il lui faut pour manger dans la semaine. En général elle reste déjeuner et rentre chez elle dans l’après-midi après avoir fait un tour du jardin. Aux beaux jours, elle a surveillé de près le potager, arrosant les plants dès qu’elle arrivait ! Elle repart avec les numéros de La Croix de la semaine passée à lire.
Angèle a commencé du bénévolat dans une association ; depuis quelques semaines, elle accueille les personnes domiciliées à l’association et leur remet leur courrier. Elle garde de temps en temps les tous-petits enfants d’une jeune résidente qui lui donne un peu d’argent en retour.
Nous nous sommes retrouvées pour la marche pour l’égalité hommes / femmes le 8 mars ; elle était tellement contente d’être là !
Au cours de l’année, des expositions, des concerts, le potager, casser des noix devant le feu de la cheminée en discutant, écouter de la musique tranquillement assise dans le canapé du séjour, des cartes postales envoyées quand je m’absente; des choses toutes simples. Dans le livre de Pierrette Fleutiaux « Destiny », j’ai retrouvé plein de choses que je vis avec Angèle. L’importance du téléphone comme lien qui permet de suivre les changements de lieu, de se donner rendez-vous ; c’est moi qui appelle, Angèle n’a pas de crédit. Une histoire qui se dévoile peu à peu, certaines réactions déconcertantes, des incompréhensions dues aux mots employés. Je ne donne pas d’argent et ne lui achète régulièrement que de la nourriture. Quelques casseroles, une bouilloire, assiettes et couverts, un pull tricoté par ma belle-mère… »